Mois : décembre 2018
« L’homéopathie n’est pas un médicament actif ».
Analysez cette phrase issue d’une tribune des académiciens pour le journal l’Express.
Le sujet de la phrase est l’homéopathie, une discipline que nous voulons médicale, et le complément d’objet après le verbe – si je me souviens bien de mes cours d’orthographe du primaire- est le médicament.
« L’homéopathie n’est pas un médicament ». Cela fait penser au tableau de Magritte, ceci n’est pas une pipe.
Remettons donc les données en place.
Ce qui apparait d’abord dans cette introduction maladroite, c’est que le médicament a une place primordiale dans la médecine, ce qui ne peut nous choquer outre mesure, car nous en bénéficions pour notre santé et la médecine a fait indéniablement des progrès spectaculaires dans les maladies graves.
Deuxième point sous-jacent, le médicament s’entend ici en tant que médicament chimique et tout médicament qui n’est pas chimique ne serait pas un médicament.
Le sujet de la phrase, revenons-y, est l’homéopathie et l’homéopathie est une discipline tout d’abord, un concept, et qui se vérifie par l’expérience. Expérience des premiers expérimentateurs, au temps de Hahnemann, parmi lesquels beaucoup de médecins. Expérience des patients depuis plus de deux cent ans qui se trouvent bien de cette thérapeutique.
Vous constatez ici que le mot expérience revêt plusieurs contextes. Nous parlions d’expérimentateurs, la démarche est celui de médecins qui ont eu une attitude véritablement scientifique à leur époque en colligeant les symptômes observés après avoir absorbé différentes dilutions de préparations homéopathiques. Constantin Hering en est un exemple qui n’hésita pas à étudier sur lui le venin de Lachesis, et il le prit même aussi en doses dangereuses. Haller avant lui avait expérimenté sur lui différents produits et toxiques[1].
Toutes les dilutions alors ont été utilisées et Hahnemann ira même jusqu’à utiliser des dilutions 30 CH ce qui à l’époque scandalisa même certains de ses disciples. D’autres concepts étaient discutés par ses collègues à l’époque. Jahr par exemple sur un autre sujet celui de l’importance des dynamisations que lui relativisait. Il était plus axé sur les échelles de dilutions que le concept des dynamisations. Je vous renvoie pour cela au remarquable livre de Denis Demarque, l’homéopathie, médecine de l’expérience, éditions Coquemard, repris ensuite par les éditions Boiron.
Le deuxième sens du mot expérience, après ce volet de l’expérimentation de type scientifique, est l’expérience du soin, et là nous avons deux acteurs intriqués, le soignant et le soigné.
Autant l’evidence based medecine concerne les écrits de type scientifique à une époque donnée, autant l’expérience du médecin de terrain et celle du patient doivent aussi être écoutées et même considérées.
Reprenons le terme de départ, la phrase digne de Magritte : « l’homéopathie n’est pas un médicament actif ».
Qu’en savez vous donc ? L’avez-vous expérimentée ? Vous oseriez dire à nos patients guéris, si ce n’est améliorés, qu’elle n’est pas efficace et aux médecins qui dans leur longue expérience médicale, qu’ils n’ont pas constaté objectivement des améliorations patentes qui les confortent dans leur pratique !!
Nous disons que l’homéopathie est efficace et aussi que l’allopathie est efficace. Chacun dans son domaine et ces domaines parfois se croisent. Car nous ne faisons pas que de la bobologie ou de la thérapeutique de confort.
Revenons à votre phrase introductive : « l’homéopathie n’est pas un médicament actif ». Ce n’est sans doute pas une maladresse de votre part d’affirmer cela. Mais c’est une faute sémantique quand même. Vous mettez en égalité négative un concept d’expérience et le médicament. Non l’homéopathie n’est pas qu’un médicament c’est une vision différente de l’organisme vivant malade, et nous le répétons complémentaire, mais pouvant être indiquée seule dans un premier temps , en premier recours, si les conditions diagnostiques et pronostiques le permettent.
Nous manions ainsi deux raisonnements, un logique et l’autre analogique. Nous traitons la maladie et le malade. Et nous apportons en outre un volet préventif par prise en compte d’un terrain prédisposant.
Votre phrase introductive, Messieurs les académiciens, du moins ceux qui se sont libérés pour participer à votre réunion dont nous ne connaissons pas le nombre, votre phrase a sans doute était plus réfléchie que l’on ne pourrait le croire.
Cette phrase maladroite permet du même coup de ne pas dire le médicament homéopathique n’est pas actif, car mettre ensemble ces deux termes, médicament et homéopathique, écorchent la langue sans doute. Et pourtant notre médicament homéopathique est bien à la pharmacopée française depuis 1965.
Donc vous faites là une faute qui n’est plus seulement orthographique ou sémantique une omission que vu votre discernement et culture, ne peut qu’être volontaire.
Le médicament homéopathique existe bien. Nous praticiens d’expérience et patients déclarons qu’il est efficace. Des études existent de qualité qui montrent l’effet des dilutions homéopathiques chez l’homme, l’animal, le végétal. Des études aussi contre placebo existent également.
Quelle est donc la difficulté ? Hormis le fait que même devant des résultats positifs, notre raison pure peut être chamboulée. Car les attaques violentes de ces derniers mois menées par l’intermédiaire des réseaux sociaux et de ses redoutables outils, ces attaques le plus souvent anonymes, ont un but destructeur et extrémiste. L’extrémisme de quoi nous direz vous ? L’extrémisme de la raison pure qui dans sa frontière devient une véritable idéologie.
Vous le savez bien, vous qui êtes de formation scientifique, Que les études scientifiques en particulier du médicament concernent des pathologies isolées, précises, et des médicaments uniques, dans des circonstances les plus épurées possible et sur des grands nombres.
Vous le savez bien que le complexité de nos pathologies souvent intriquées à des problématiques complexes, et dans le cadre de polypathologies et de iatrogénies et d’interactions médicamenteuses, n’est pas étudiée scientifiquement ( cf fiche de la thèse de médecine générale du docteur Bousquet[2][3]).
Et nous médecins gérons cette polypathologie, et sommes aussi capables de juger des situations complexes. La médecine interne nous aide pour certaines maladies pour lesquelles nous avons besoin de compétences diagnostiques, mais elle nous aide surtout pour les cas de maladies bien étiquetées. Nous rencontrons souvent par contre des cas, nous pourrions dire border line, souvent auto-immunitaires ou autres pour lesquels nous n’avons pas de réponse satisfaisante et que nous gérons et que souvent nous portons. Ils sont trop complexes pour vous !
Comment travaillons nous donc ?
Comme vous ! Si vous exercez encore et si parmi vous certains ont exercé la médecine générale.
Nous sommes nous, médecins homéopathes, je rectifie pour nous montrer vis à vis de vous, sans vous offenser, plus pédagogiques, je rectifie donc en disant, nous sommes médecins utilisant la thérapeutique homéopathique. Comme cela nous faisons abstraction que nous avons aussi une manière de voir le patient, un autre regard complémentaire à ce qui nous a été appris en faculté.
Nous restons respectueux de nos pairs mais respectueux aussi de nos pairs au dehors de la faculté, brillants enseignants de notre discipline, de grands cliniciens, et qui ont eu l’opportunité et sans doute l’intelligence de rester ouverts à d’autres abords complémentaires de la médecine.
La remise en question des savoirs est un critère scientifique. Hahnemann, le fondateur de notre méthode avait une démarche scientifique rigoureuse et relativement à son époque. Époque charnière des découvertes pastoriennes et de l’éclosion de la médecine expérimentale animale.
Hahnemann a expérimenté sur l’humain, avec méthode.
Revenons à aujourd’hui.
Quels sont les critères sur lesquels se base l’HAS pour nous évaluer ?
5 critères
Évaluer les médicaments homéopathiques au regard notamment
De leur efficacité et leurs effets indésirables
De leur place dans la stratégie thérapeutique
De la gravité des affections auxquelles ils sont destinés
De leur caractère préventif, curatif, ou symptomatique
De leur intérêt pour la santé publique
Les quatre derniers critères replacent bien le médecin de premier recours avec sa compétence de juger les indications de la démarche homéopathique, en complémentarité, en alternative ou s’effaçant devant des critères de gravité.
Le premier critère est primordial. Curieusement ces deux termes sont exprimés ensemble, comme si, ils avaient du mal à se séparer. Comme si en fait ils avaient du mal à se séparer dans la tête de nos évaluateurs.
Quelle est la signification de ce fait ? Tout se passe comme si, pour qu’un médicament soit efficace, il faut qu’il soit toxique.
Si il n’a pas d’effet secondaire, il n’est pas médicament !
Celà semble indissociable.
La médecine a toujours du gérer cette problématique. Mais ici je crois que symboliquement, cela reflète un retrait, une défense devant l’inexplicable, devant un modèle autre qui n’est pas inclus dans le paradigme dominant de la chimie.
Nous n’avons pas la prétention non plus de changer ce paradigme, mais il est d’autres voies subtiles d’action d’un médicament sur un organisme vivant.
Ces deux critères accolés, efficacité et effets secondaires sont justement séparés dans la démarche homéopathique. Hahnemann disait lui-même que pour un médicament soit actif il doit être toxique ! Dans le sens qu’il doit être capable de provoquer des symptômes chez un sujet, expérimentateur pour ensuite pouvoir traiter ces mêmes symptômes chez un sujet malade.
C’est ce qu’on appelle la loi de similitude, « similia similibus curentur ».
Un médicament actif donc doit avoir une polarité profonde sur l’organisme pour ensuite être actif en thérapeutique. Donc nous sommes d’accord qu’un médicament actif est aussi toxique, à doses pondérables toutefois.
Que faire donc ? Trouver la dose minimum efficace.
Ensuite il nous faut rajouter le concept qui nous est propre, c’est-à-dire l’inversion d’action selon la dose.
Dans le raisonnement classique, il faut une dose minima efficace, et en dessous, de cette dose l’effet thérapeutique sera insuffisant. Dans le cadre d’une action directe , oui.
Ce n’est plus le cas pour la démarche homéopathique qui est réactionnelle, qui fait réagir l’organisme de lui-même face aux symptômes de la maladie.
Le médicament homéopathique est l’image en miroir des propres symptômes du malade.
Ce médicament agit comme une information, qui fait que les symptômes s’atténuent ou au contraire fait réagir l’organisme en rétablissant son homéostasie.
Ce phénomène pharmacologique est assimilé à la notion de l’hormesis.
Ces mécanismes subtils ne nous sont pas totalement expliqués, bien sûr, mais s’appuient sur des données d’expérience clinique médicale.
Les sciences fondamentales nous font comprendre de plus en plus que l’organisme vivant est susceptible de recevoir des informations de son environnement à tous niveaux par des mécanismes encore à élucider, par des récepteurs sensoriels probables selon des mécanismes de type neuro-hormonal avec participation des récepteurs tissulaires.
Les règles de pharmacologie classique peuvent être analogues sans doute, à celles des thérapeutiques endocriniennes dosées aux échelles du microgramme. L’exemple des perturbateurs endocriniens qui agissent à l’échelle du microgramme, du nanogramme et même du picogramme sont troublantes. Au-delà les phénomènes ne sont plus chimiques mais physicochimiques ou electromagnétiques.
Le passage d’une information dans l’organisme vu comme un organisme complexe ne nécessite pas toujours un substrat matériel ni même énergétique.
Nous médecins d’expérience, devant ce mode d’action singulier, sommes capables de prendre du recul sur ce mode d’action et le relativiser suivant les situations cliniques, mais nous constatons des effets étonnants pour lesquels l’effet placebo ne peut être que difficilement incriminé. Action sur une troisième ou quatrième consultation, ou avec le recul de plusieurs mois, ou sur un état chronique difficile.
D’autre part l’effet placebo, qui semble maintenant être redéfini ou mis en parallèle avec l’effet contextuel ne peut être que relativisé comme dans toute approche d’ailleurs.
Nous avons effectivement un effet empathique renforcé ne serait ce que en recherchant les symptômes caractéristiques et réactifs individualisés de nos patients.
Notre écoute n’est pas en soi un moyen de persuasion !!
C’est un moyen de cerner la thérapeutique adaptée !!
Nous avons une double démarche, celle du médecin à responsabilité professionnelle et en formation continue, dit de premier recours, devant utiliser les thérapeutiques les plus adaptées suivant les consensus de soins et ayant une approche complémentaire avec l’homéopathie, lui donnant aussi une vision du patient élargie, une approche du terrain morbide, utile avant que d’être aussi une thérapeutique complémentaire, et efficace, susceptible d’améliorer la qualité de vie du patient et de limiter la iatrogénie et l’escalade thérapeutique.
Madame la ministre elle-même en réponse à des interlocuteurs, exprime que l’homéopathie ne serait pas un vrai médicament !
C’est une variante aussi du tableau de Magritte, il aurait pu aussi dire, ceci n’est pas une vraie pipe !
Mais l’œuvre d’art ainsi n’en serait peut être pas devenue une.
Dire « ce n’est pas une vraie pipe » plutôt que « ceci n’est pas une pipe » enlève une part de mystère, ce n’est plus une œuvre d’art si on mâche le travail de l’observateur.
Vous saviez encore que la médecine était un art ?
A une époque cela s’est dit, c’était aussi à l’époque où l’on parlait des honoraires et non des tarifs ou des lettres clés.
Une époque où la confiance se donnait là où les mains se croisaient.
Hippocrate , nous jurons encore en ton nom, un serment de pacotille mais un signe fort, tu en parlais bien de la similitude, nous citons ton nom, à nos étudiants, et d’autres, responsables d’enseignement font censure de Hahnemann dans l’histoire de la médecine. C’était pourtant un scientifique avant l’heure.
Dr Didier Deswarte
[1] L’homéopathie, médecine de l’expérience du docteur Denis Demarque. Editions Coquemard, 1968. p.49, fait relaté par Hahnemann lui même. Réédité éditions Boiron
[2] http://www.sftg.net/documents%20PDF/Concepts%20en%20Medecine%20Generale.pdf
[3] Sermet C. La polypathologie des personnes âgées. Paris : CREDES, 1994 : 22 p.