Mois : février 2019
Les étudiants en médecine deviendraient de moins en moins empathiques? [1]
Est ce notre société qui change? sans nul doute bien sûr, mais nous ne pouvons non plus avoir de tels aprioris.
Cet article fait un constat, suite à une étude de l’université de Liège en Belgique. Etude faite sur 1602 étudiants, et présentée à un congrès de l’encéphale !
Au début de leurs études, ils présentent des scores d’empathie très élevés, même mieux que les écoles de commerce.
En dernière année de médecine, ces scores sont beaucoup moins bons.
« Ce qui pourrait être lié au climat d’intense compétition et de stress auxquels sont soumis les étudiants en médecine tout au long de leurs études, à l’apparition d’un processus de déshumanisation, et à la réduction en Belgique du nombre de stages cliniques indispensables pour acquérir de bonnes compétences relationnelles depuis le raccourcissement de la durée des études de 7 à 6 ans ». ( d’après le Professeur Triffaux).
Je vous invite donc à lire cet article par le lien ci dessous, mais restons ensemble d’abord!
J’apprends dans cet article que nous serions à l’heure de la « narrative based medecine »! médecine basée sur le discours du patient qui prendrait le pas sur « l’evidence based medecine » dite E.B.M, qui est la médecine basée sur les preuves.
Souvenez vous de l’actualité qui est brûlante pour nous médecins pratiquant l’homéopathie, le doyen Didier GOSSET, de la faculté de médecine de Lille a décidé, sans prévenir son équipe pédagogique de surseoir au diplôme post-universitaire d’homéopathie de la faculté de Lille, de manière inopinée en concordance avec nos détracteurs, au prétexte que la médecine doit être basée sur les preuves scientifiques irréfutables de l’EBM!
Pourquoi donc s’étonner que nous constations une déshumanisation du soin médical après cette lente évolution de l’enseignement de la médecine dans les facultés qui tient si peu compte de l’humain.
Cet aspect humain est d’ailleurs mis dans un sac conceptuel sous la dénomination du placebo. Un sac bien hermétique, comme une asepsie conceptuelle.
Il ne faut pas que l’émotion ait sa place pour laisser le médecin travailler et trouver le type de maladie qu’il recherche.
La médecine pourtant n’est pas que la chasse à la maladie rare et la médecine interne d’ailleurs ne devrait pas être que celà!
La médecine c’est savoir prendre en compte tous les facteurs qui ont pu faire éclore la maladie, la rendre possible ou l’alimenter. Hormis le facteur génétique, nous savons que les facteurs d’environnement et les conditions de vie sont aussi primordiales, et nous savons aussi que les prédispositions à être malades sont très variables d’un individu à un autre et aussi la façon de réagir aux thérapeutiques.
A la fin de cet article, la question se pose: « comment maintenir, au minimum, le potentiel d’empathie des étudiants tout au long de leur parcours de formation? »
Et en conclusion:
« Les enseignants belges envisagent d’évaluer les effets des moyens pédagogiques (jeux de rôle, cas de patients vidéo-filmés) sur ce plan. A noter que les filles étaient constamment plus empathiques que les garçons en études de médecine comme de commerce, ce qui est classiquement observé dans les études sur l’empathie, et qui est couramment expliqué par les liens particuliers que les femmes (et plus généralement les femelles de mammifères) tissent avec leur descendance. »
Quel retard dans nos enseignements et quelle lourdeur pédagogique! Les étudiants depuis plusieurs années ne venaient plus aux cours, et les enseignants pour certains d’entre eux montraient un certaine condescendance vis à vis de jeunes ayant pourtant un potentiel respectable.
Le rapport étudiant enseignant était en fait un dos à dos!
J’espère ici exagérer le trait!
N’est ce pas aussi l’aboutissement de ce manque de dialogue adulte qui n’a pas été instauré. Sommes nous encore dans cette image d’Epinal de l’hôpital et du grand patron, avec son cortège de blouses blanches soumises, ou à la limite l’extrême caricature ci dessous de ce manque de considération pour la vérité propre du patient.
La conclusion de l’article semble peu élogieuse de la condition féminine, mais semble montrer que la dimension affective est bien biologiquement ancrée dans notre phylogénie, au niveau de notre cerveau limbique.
Les émotions font bien partie de notre physiologie, et le neurophysiologue Antonio Damasio nous le confirme. Nos sentiments son ancrés au plus profond de nous et s’enracine dans les organismes unicellulaires les plus anciens.
Alors pourquoi vouloir à tout prix s’abstraire de cette dimension psychologique, et émotionnelle, et nous faire croire que la maladie est toujours cataloguable et standardisable.
Pourtant cette standardisation est aussi nécessaire.
Devant la complexité de l’humain, il faut bien avoir à sa disposition des principes clairs et rationnels et scientifiquement éprouvés, nous le dénigrons pas, et il nous faut éviter de se défier trop de ces principes, car l’abord scientifique apporte des progrès considérables.
Mais il y a un manque dans la médecine qui ampute notre vision de soignant, c’est la non considération de la globalité de la personne humaine, et une vision du corps désincarnée. Nous le savons, c’est un des inconvénients de la pensée cartésienne qui a dissocié l’esprit du corps. La rationalité.
Nous avons deux cerveaux, du moins pour notre conscience élaborée humaine, que nous avons encore peine à définir. Un cerveau analytique et un cerveau plus analogique ou synthétique. Pourquoi donc ne pas avoir deux regards, l’un rationnel et analytique et l’autre plus centré sur l’écoute et une compréhension plus globale?
C’est notre cas pour nous médecins qui utilisent l’approche homéopathique. Et nous n’avons sans doute pas le monopole de l’écoute.
Ce manque dans la médecine, l’anthropologue, David Le Breton dans son livre anthropologie du corps et modernité l’a bien analysé.
« Le corps est un reste. Il n’est plus le signe de la présence humaine, indiscernable de l’homme, il est sa forme accessoire. La définition moderne du corps implique que l’homme soit coupé du cosmos, coupé des autres, coupé de lui-même. Le corps est le résidu de trois retraits ».
C’est le corps de la modernité, du moins jusqu’ici et avant cette ère numérique dont nous ne connaissons pas encore loin s’en faut tous ses aspects et conséquences. Car maintenant s’ajoute la complexité d’un cerveau remanié, en compétition ou inhibé par un cerveau externalisé, par le web.
La médecine semble redécouvrir l’empathie, comme la poule trouve un couteau, et certains s’offusquent que nous l’ayons déjà découverte, nous médecins homéopathes depuis bien longtemps, et pour mieux nous éliminer du paysage, nous font un procès d’intention, en fustigeant les fondements de notre méthode.
Ce n’est pas que de l’empathie, notre méthode. Pour mieux comprendre une personne, par définition, il nous faut être empathique. Comprendre, c’est prendre avec, considérer l’ensemble, être empathique c’est se mettre à la place de la souffrance avec un certain retrait, contrairement à la sympathie ou il pourrait y avoir un certain transfert émotionnel. L’empathie nous empêche justement de rentrer dans le concept du placebo, et encore dans son sens le plus basique. Car ce mot actuellement utilisé est trés réducteur et recouvre des concepts nettement plus larges dans le cadre de la communication et même du fonctionnement neurosensoriel.
Pourquoi donc nous médecins homéopathes sommes nous vus comme des médecins de l’écoute? et suspectés donc de n’être que celà? Nous serions donc des sortes de psychothérapeutes ou psychiatres, quoique en évoquant ces mots, nous pourrions subir les foudres corporatistes des spécialistes concernés. Que sommes nous donc?
Affirmons nous donc.
Revenons sur l’aspect singulier de notre approche. Elle n’est pas encore totalement explicable mais elle est active ainsi que nos médicaments.
Nous prétendons que notre approche et nos médicament sont actifs, par expérience essentiellement.
C’est une approche subtile, et non standardisable. Chacun de nos patients a son histoire. Même avec un diagnostic de maladie semblable, tous les patients n’ont pas les mêmes réactions physiologiques.
Comment donc mieux connaitre ce patient? En l’écoutant, en l’observant, en l’examinant. Vous pouvez me rétorquer que c’est le propre de tout acte médical. Je suis obligé de rajouter une parenthèse, c’est que la technicité actuelle prend une telle place qu’elle nous fait croire à l’inutilité de ces actes. Et pourtant, nous avons tous des exemples à donner de diagnostic faits grâce aux respect de ces règles élémentaires hippocratiques.
Mais nous avons un plus. Nous prenons en considération l’ensemble des signes présentés par le patient et la façon dont ils sont ressentis et par quoi ils sont améliorés ou aggravés, tout en jugeant aussi de l’aspect global de ce patient, de ses capacités de réaction, de sa sensibilité et même de symptômes pouvant être inhabituels ou paradoxaux. Beaucoup de ces signes sont négligés d’ordinaire par nos confrères car d’aucune utilité, mais nous ils peuvent être décisifs pour le choix d’un médicament homéopathique qui en sera d’autant plus actif.
Notre écoute est donc utilitaire pour trouver le ou les médicaments les plus actifs.
Pour que le patient les exprime ces symptômes et signes, il faut bien que ce même patient soit en confiance, car d’ordinaire, il hésite à les dire au médecin, car il sait qu’il ne sera pas écouté, ou cru.
Voyez bien ce scandale du Levothyrox. regardez les premiers commentaires au début de cette actualité. Les commentaires des journaux médicaux, étaient prêts de les qualifier d’hystériques, tous ces patients qui ressentaient des effets indésirables.
Le mode d’action d’un médicament à cette échelle de dose, au microgramme comme beaucoup d’hormones est extrêmement subtil, et concerne des récepteurs tissulaires sensibles aux messagers hormonaux et à leurs excipients, et il n’est jamais anodin alors de changer quoique ce soit dans une formule qui marche. Nous sommes justement dans ces doses à l’échelles de nos basses dilutions homéopathiques ( 3 CH).
Si nos étudiants sont de moins en moins empathiques, c’est sans doute que l’enseignement doit de remettre en cause, et nous sommes en phase avec le président de la conférence des doyens, le Professeur Sibilia qui dit ne pas vouloir remettre en cause l’ouverture des facultés et universités à des approches complémentaires.
La médecine n’est pas seulement la pratique de l’EBM. Les preuves de l’efficacité de la médecine c’est d’abord le patient qui les donne et nous espérons donc que ce concept de narrative base medecine, NBM, redonne toute sa place au vécu du patient et qu’il rentre ainsi dans l’évaluation du soin ce qui est en passe de se faire actuellement.
Ce que le patient vous dit là au jour et à l’heure où vous le voyez.
Et c’est à ce moment là que vous prescrivez.
Et ce moment là ne se répétera pas une autre fois de la même manière
DD
[1] https://www.egora.fr/actus-medicales/psychiatrie/46110-les-etudiants-en-medecine-de-moins-en-moins-empathiques