Par le Professeur Dominique Baudon, Professeur du Val-De-Grâce
Dans cette nouvelle tribune, le Pr Dominique Baudon vient « mettre les points sur les I » en ce qui concerne les mesures à prendre, selon lui, face à l’irruption intempestive du variant Omicron. Ou plutôt les mesures à ne plus prendre…Entre « vivre avec » et se passer des gestes barrières !
La « vague Omicron » déferle sur le monde, et la France n’est pas épargnée. Il a été désigné « Variant of Concern (VOC)» par l’OMS le 26 novembre 2021. Il est plus transmissible que le variant Delta, avec un temps de doublement des cas de 2 à 4 jours, et, d’après les premières études beaucoup moins virulent (1,2) ; c’est une évolution naturelle en virologie. Ce variant Omicron représentait 10,6 % des cas de Covid-19 en semaine 50 (données Santé Publique France/13-19 décembre). Il représenterait 20 % des cas selon une déclaration du porte-parole du gouvernement le 21 décembre dernier. Il va rapidement supplanter le variant Delta.
Explosion du nombre de tests de dépistage et du nombre de cas contacts
Le gouvernement a poussé les français à se faire dépister en vue des fêtes de fin d’année ce qui a provoqué une augmentation artificielle du taux d’incidence des cas.
Le 23 décembre, un million de tests de dépistage ont été réalisés en France dont 7,9 % étaient positifs (79 000) ; déjà, depuis plusieurs jours, le nombre de tests avoisinait le million par jour. Ce 23 décembre, le taux d’incidence des cas positifs était en moyenne pour 1 semaine de 713 p 100 000, ce qui correspond à près de 480 000 cas dépistés. Le nombre de sujets contacts sur cette même période est très difficile à calculer ; si nous estimons par exemple qu’il y a 10 sujets contacts pour un sujet testé positif (un chiffre que je considère comme un minimum), il y aurait eu 4,8 millions de cas contacts.
A noter, pour montrer la relativité des chiffres, que si l’on en était resté à 300 000 tests par jour (moyenne avant l’incitation à se faire tester), le taux d’incidence aurait été divisé par trois, égal à environ 250 p100 000 !!!!
Une stratégie d’isolement des cas qui va vers…un confinement des actifs
Face à l’arrivée du nouveau variant Omicron, les règles d’isolement ont évolué pour les cas contacts : il faut s’isoler immédiatement pour 7 jours, et même pour 17 jours si une personne vit au domicile de la personne malade, et cela, même si le cas contact est totalement vacciné (3).
La nette augmentation récente des cas testés positifs a entraîné une explosion du nombre de cas « d’arrêts maladies » liés à la Covid-19 ; ceux-ci concernent aujourd’hui essentiellement des cas contacts.
Ainsi, entre le 1er novembre et la mi-décembre, le nombre d’arrêts de travail délivrés par l’Assurance maladie aux personnes devant s’isoler a été multiplié par plus de 7, passant de 5 763 à 42 541 (augmentation de 740 %). Ces arrêts de travail « Covid » sont destinés aux salariés symptomatiques, positifs à la Covid-19 ou cas contact, en attente d’un test et qui ne peuvent pas télétravailler (4).
Vu la diffusion « tsunamique » du virus, en maintenant cette stratégie de l’isolement des cas positifs, on va vers un « confinement des actifs » et un blocage social et économique totalement injustifié. Le Conseil scientifique l’a clairement indiqué dans un communiqué du 27 décembre qui précise que « la contagiosité du variant Omicron, qui devrait bientôt être majoritaire dans notre pays, est telle que le risque est majeur d’une désorganisation de la société ». Si on effectuait la même stratégie de dépistage et d’isolement pour la grippe ou tous les virus respiratoires hivernaux on obtiendrait des chiffres encore plus élevés.
Échec confirmé du « tracer, tester, isoler »
Cette stratégie visant à freiner les vagues épidémiques n’a jamais réellement marché en France et n’a jamais été évaluée pour en étudier l’efficacité ; pourquoi aucune enquête n’a-t-elle été réalisée pour estimer le pourcentage de sujets parmi les cas testés positifs qui se sont réellement isolés. Ainsi la stratégie « tracer, tester, isoler » est, avec ce variant très transmissible, obsolète. Elle n’est efficace qu’en début de circulation du virus lorsque les cas sont très rares. Le Ministre de la santé et des solidarités l’a admis lui-même le 23 novembre lors d’un déplacement à Paris : « Lorsque le variant Omicron est apparu, on a pris des mesures draconiennes d’isolement, de contact tracing, de séquençage pour pouvoir empêcher ce variant d’entrer sur le territoire. Désormais, il circule et il est amené à être majoritaire ».
Il faut vivre avec ce virus
Alors que faire face à ce variant Omicron ? Il faut vivre avec ce virus, et la stratégie doit être ciblée essentiellement sur les sujets à risque (personnes âgées et/ou personnes avec comorbidités).
1) Il faut vacciner avec les trois doses les 5 millions de personnes non encore vaccinées.
Il faut aller « vers » eux ; cela est maintes fois répété mais n’est pas fait avec toute l’efficacité nécessaire ; pourquoi ?
Le Passe vaccinal qui va entrer en vigueur, et dont j’ai appelé à l’application dans une précédente tribune (5), va inciter encore plus les non vaccinés à se faire vacciner.
Il faut encore plus encourager à recevoir la dose de rappel (3e dose). L’injection de rappel pour les personnes de plus de 60 ans dont la vaccination complète remonte à plus de 6 mois améliore la protection vaccinale à plus de 90 % pour les infections symptomatiques comme pour les hospitalisations. Depuis le 24 décembre en cohérence avec l’avis de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), la Haute Autorité de Santé (HAS) recommande un rappel dès 3 mois après la deuxième dose ; de plus, elle recommande d’administrer un rappel aux adolescents présentant des comorbidités et âgés de 12 à 17 ans (6).
2)Il ne faut plus pratiquer la stratégie « Tester, tracer, isoler » dans sa forme actuelle et ne plus inciter les porteurs asymptomatiques et les cas contacts à s’isoler ; il faut raisonner comme dans les autres maladies virales respiratoires hivernales ; en cas de symptômes, consulter un médecin qui décidera éventuellement d’un arrêt maladie, ce qui correspond de fait à un isolement du malade à domicile, avec respect strict des gestes barrières.
3) Retour de la vie scolaire à la normale. Ne plus tester systématiquement à l’école.
En raison de la cinquième vague de Covid-19, le ministère de l’Éducation nationale a décidé, le 9 décembre dernier, d’appliquer le protocole sanitaire n°3. Il impose notamment le « port du masque en intérieur et en extérieur pour les personnels et les élèves dès le CP« , la « limitation du brassage par niveau obligatoire et par classe pendant la restauration dans le 1er degré » ou encore l’interdiction « des sports de contact« . Je ne reviendrai pas ici sur les graves conséquences psychologiques voire psychiatriques démontrées liées à ces mesures pour les enfants.
Avec l’arrivée du variant Omicron, le nombre d’enfants testés positifs va exploser avec en conséquence la fermeture de trop nombreuses classes. On ne répétera jamais assez que les enfants de moins de 12 ans, sans comorbidité, sont peu touchés par la maladie, et qu’en cas de maladie, ne font qu’exceptionnellement des formes graves. Il faut donc réserver le dépistage aux enfants qui présentent des symptômes. Nous les parents et grands-parents sommes habitués depuis toujours au comportement des enseignants qui dès le moindre symptôme constaté chez un élève (fièvre en particulier) nous appellent pour venir chercher l’enfant ; continuons cette démarche. Je milite donc pour a fin du port du masque à l’école, en classe et lors des activités extérieures, et pour l’arrêt des évictions scolaires pour les cas positifs asymptomatiques et les cas contacts. La vaccination des enfants n’aura aucune influence sur la circulation virale ; seuls les enfants de 5 à 11 ans à risque de formes grave doivent être vaccinés et cela a débuté le 15 décembre (6). Enfin repousser la rentrée des classes, avec la gêne occasionnée pour les parents, n’aurait aucun sens.
4)Quid des gestes barrières ?
Le port du masque est obligatoire en intérieur dans les lieux recevant du public (même dans les lieux où le passe sanitaire est obligatoire). Les préfets ont de plus la possibilité de le rendre obligatoire en extérieur pour certains événements (marchés de Noël, brocantes par exemple, divers rassemblements organisés de personnes). Il faudrait mener une vraie réflexion sur l’utilité des gestes barrières. Ils n’ont pas permis d’éviter les différentes vagues et en particulier cette épidémie Omicron. Plus un virus est contagieux, moins les gestes barrières sont efficaces. Il faut que les politiques et les scientifiques cessent d’asséner des « vérités absolues », telle que « certes les gestes barrières ne peuvent stopper la diffusion du virus, mais ils la freinent » ; cela était valable pour le SARS-CoV-2 initial, un peu moins pour le Delta, et beaucoup moins pour le variant Omicron.
Pour moi, les gestes barrières sont nécessaires uniquement lors des « rencontres » avec des personnes à risque ou avec des malades de la Covid.